Par Ngo Nlend Nadeige Laure
C’est une image véritablement scabreuse que celle du Mimboland, ou peut être devrait on dire : Libidoland – Bacchus conduisant fatalement à Vénus - que celle projetée dans ce qui tient plus d’un traité sur la sociologie sexuelle que d’une oeuvre de fiction, et dont l’intitulé seule en dit long sur la nature épicée du contenu. Married But Available, pour citer cette dernière sortie littéraire de Francis B. Nyamnjoh, n’a pas failli à la tradition du tragi- comique qui caractérise l’univers de l’auteur. Un univers où l’humour décapant et le dramatique s’allient et se combinent avec une régularité et une aisance difficilement égalables, pour servir à un public chaque fois plus conquis, le divertissant menu que constitue ce qui désormais est connu comme la spécialité du chef, à savoir, les tribulations du Mimboland.
De ce Mimboland justement, on avait eu dans les éditions antérieures de l’auteur, un large aperçu de la situation d’état néocolonial en pleine décomposition, autant du fait d’un gouvernement perpétuel, corrompu et prévaricateur, que d’une administration dévoyée et dont les commis se servaient plus qu’ils ne la servaient, cependant que le peuple ployait sous le poids de la plus effroyable des misères.
On aurait pu croire qu’il fût impossible d’imaginer scénario plus accablant, que tableau plus sombre ne pût exister. Mais c’était sans compter avec cet art consommé de la décadence dans lequel excelle ce pays où ‘‘les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent être’’, lequel art se décline rien moins qu’en une faculté exceptionnelle à reculer toujours plus loin les limites de l’ignominie et de l’abâtardissement, portant la décrépitude morale à un point tel que même la puanteur pestilentielle des charniers de tous les Warzone réunis, constituent des effluves agréables en comparaison.
Outre le fait de minimiser la ferveur du Mimboland dans l’avilissement, c’est à l’imagination toujours fertile et la créativité féconde de l’auteur qu’aurait été faite l’offense de croire qu’il puisse suffire d’une existence d’écrivain pour épuiser les contours des tares rédhibitoires d’un pays, dont on peut avec certitude dire, qu’il y coule plus du laid et du fiel que ‘‘du lait et du miel’’. Son imagination certes, mais aussi et surtout, son exceptionnel talent à faire de tout sujet - fut il d’une trivialité navrante ou encore, comme c’est le cas d’espèce pour l’heure, d’un tabou notoire - un digne objet d’intérêt des discussions de salon et des débats d’amphithéâtres.
Et certainement, ne serait-ce pas trop dire que derrière cette énième geste de celui qui est désormais connu comme le très prolifique, sarcastique et sardonique peintre des avatars d’une Afrique en perpétuelle quête d’elle même, se cache le malicieux dessein de briser la glace de pudibonderie qui constitue chez les Mimbolandais, le rideau des perversités les plus inimaginables : sodomie, homosexualité, pédérastie, pédophilie, inceste…etc. Autant de plaisirs orgiaques qui viennent pour ainsi dire, rompre avec les clichés traditionnels d’une Afrique chaste et vertueuse, telle que longtemps entretenue par la majesté de ses couchers de soleil sur les ‘’Sunsandlands’’, ces plages voluptueuses à la féerie trompeuse. Mais encore faudra -t–il pour y parvenir, toute la pugnacité d’une chercheuse muzungu, mais aussi et surtout, toute la passion d’une femme en mal d’amour, une Loveless, tourmentée par le souvenir tenace d’une éphémère aventure amoureuse, intensément vécue sur les mirifiques berges du Sunsandland, pour qu’enfin s’effondre le masque factice de respectabilité et d’honorabilité derrière lequel les ‘’Mboma’’, ces figures reptiliennes et de la débauche, tiennent cachés leurs regards lubriques et leurs envies libidineuses. Au nombre de ceux-ci, se comptent des sommités intellectuelles, bourreaux sexuels d’une jeunesse réduite à sacrifier au jeu de ‘‘jambes en l’air’’ le plus dégradant pour espérer obtenir, titres et distinctions académiques ; des politiciens dépravés, des hauts commis de l’Etat et du secteur privé qui négocient des strapontins et des titres administratifs à coup de sodomie et qui n’hésitent pas, à charge de revanche, de subordonner tout projet d’insertion socioprofessionnelle à la pratique homosexuelle.
En choisissant de titrer sur la crise de l’institution conjugale dans les sociétés africaines, Francis B. Nyamnjoh n’a pas seulement eu le courage de remuer le stupre dans lequel se vautre avec impudicité l’élite dépravée du Mimboland, il a également su opposer sous les archétypes du phallocrate traditionnel et de la féministe dévergondée, les théories ambivalentes qui, dans le contexte africain moderne, participent des éléments structurant des rapports entre les sexes sous le prisme de la course pour l’ascension sociale et matérielle.
En effet, de l’important corpus qui constitue la trame de MBA, se dégage à grands traits le modèle d’un système machiste qui sublime chez le sexe dit fort, une virilité rendue outrageusement agressive par l’ostentation avec laquelle elle choisit de s’exhiber dans la pratique de l’adultère et de la polygamie. Mais au bout du compte, ces appétits sexuels masculins, débridés sous l’effet d’artifices divers, se transforment graduellement entre les mains de femmes diaboliquement expertes en armes redoutables, retournées contre leurs auteurs par celles qui, hier encore inhibées et assujetties, ont désormais compris tout le bénéfice qu’elles étaient en mesure de tirer de la concupiscence de leurs bourreaux et l’instrumentalisent aux fins d’élévation sociale. Recherchant frénétiquement dans l’ascension matérielle, une compensation à toutes les frustrations sexuelles et émotionnelles endurées à travers des générations par leurs consoeurs, les femmes de MBA, fussent-elles intellectuelles ou illettrées, jeunes ou âgées, d’origine bourgeoise ou modeste, se positionnent désormais sur l’échiquier des rapports inter sexes comme des partenaires actives, déterminées à imprimer leur marque à un jeu qui n’a que trop longtemps profité, de façon exclusive, à leurs homologues mâles. Aussi peut-on les voir, maîtresses occasionnelles, épouses infidèles, amantes intéressées, prostituées même, célébrant avec diverses fortunes leur féminité glorieuse dans un langage qui, s’il n’est pas toujours ceint de l’auréole de la dignité et la vertu, a ceci de précieux pour elles qu’il est démocratisé.
I enjoyed very much reading your MBA. Intriguing, perhaps not as a novel, which I don't think it is. But such an innovative format to mould research into a literary work of art. When presenting research findings, we all pretend just to reproduce facts, don't we? - which is not true, because we do give form and shape to our restricted, little grasp of reality, transforming it very subjectively. But the classic academic format tends to remain the usual somewhat boring academic reading, which me might even enjoy intellectually but which lacks aesthetic appeal. And that's what MBA does have: appeal, flowing from creativity.
When reading, I kept wondering how much MBA betrays of its author? Sure, there's the researcher, the analytical mind, the theorist, all of them well guarding their distance from the topic: the social scientist. There's also the gender aware propagandist, the social critic, the educator, academic teacher. There's the writer enjoying breaking taboos by speaking out what normatively is silenced. But there's also the causeur, well versed in entertaining, and the voyeur who enjoys the sexuality contained in his pages, curious, insisting on the facts he discloses.
Thanks for the reading, I wish I had the ability to learn from your writing.
Posted by: Volker Winterfeldt | August 09, 2010 at 10:19 PM